Né à Trois-Rivières en 1914, Henri Beaulac fut l’une des figures marquantes du design et des arts décoratifs québécois du XXᵉ siècle. Polyvalent et visionnaire, il a laissé sa marque tant dans l’enseignement que dans la pratique professionnelle du design d’intérieur, du mobilier et des arts graphiques. Il est décédé à Montréal le 18 mars 1994.
Formation et débuts artistiques
Henri Beaulac entreprend sa formation artistique à Montréal, avant de poursuivre des études académiques à New York, où il acquiert une ouverture sur les courants modernes. Dès les années 1930, il s’impose dans le milieu des arts visuels comme illustrateur et graveur sur linoléum. Ses œuvres, marquées par une liberté de ton, participent à l’autonomisation de la gravure québécoise et modernisent l’illustration jeunesse ainsi que la présentation graphique du journal Le Bien public.
Cette sensibilité graphique annonce déjà l’attention au détail et au raffinement qui caractériseront son travail ultérieur en design d’intérieur.
Professeur à l’École du meuble
Dans les années 1940, Beaulac rejoint l’École du meuble de Montréal, institution phare du développement du design moderne au Québec. Aux côtés de maîtres comme Paul-Émile Borduas, Julien Hébert ou André Jarry, il contribue à former une nouvelle génération de créateurs. L’enseignement de Beaulac, centré sur la qualité d’exécution et la noblesse des matériaux, marquera durablement ses étudiants.
Une carrière consacrée à l’aménagement intérieur
Après avoir quitté l’École du meuble, Henri Beaulac occupe le poste de chef-décorateur chez Valiquette, puis fonde en 1953 le bureau Beaulac et Gauthier, établi sur la chic rue Bishop à Montréal. Très vite, il s’impose comme l’un des décorateurs-ensembliers les plus recherchés des grandes familles québécoises et canadiennes.
Son portfolio est impressionnant :
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La Place des Arts (Montréal)
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L’hôtel Reine-Élisabeth
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La délégation générale du Québec à New York
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La résidence officielle du délégué du Québec au Canadian Club du Waldorf Astoria, à New York
De nombreuses résidences privées prestigieuses.
Comme le souligna Jacques Viau en 1985 :
« Henri présida à de grandes réalisations, dont entre autres, la Place des Arts, l’hôtel Reine-Élisabeth, la délégation générale du Québec à New York et la résidence de son délégué, le Canadian Club au Waldorf Astoria, à New York. (…) Il est alors le choyé de la décoration. Les grandes familles se l’arrachent. C’est ainsi qu’est né un style identifiable du nom d’Henri Beaulac. »
Style et esthétique
Beaulac développe un style raffiné, caractérisé par l’élégance des lignes et le souci du détail. Ses créations de mobilier, tel qu’une table basse en palissandre aux formes organiques (aujourd’hui conservée au Musée des beaux-arts de Montréal), illustrent son sens sculptural et son approche moderne des matériaux nobles.
Il fut également associé à des réalisations décoratives d’importance, comme l’ornement mural d’après un dessin d’Alfred Pellan (1943), qui témoigne de son intérêt pour le dialogue entre les arts appliqués et les arts visuels.
Un art de vivre
Henri Beaulac n’était pas seulement un créateur : il incarnait une certaine conception de l’art de vivre. Passionné de musique, pianiste accompli, il considérait son piano à queue comme un compagnon fidèle. Avec son épouse Simone Hudon, ils transformaient leur demeure en un lieu d’élégance et de convivialité.
Jacques Viau l’a rappelé avec émotion :
« Henri est aussi un excellent pianiste. Son piano à queue fut l’un de ses fidèles amis. Sa femme, Simone Hudon et lui, baignaient leur maison de noblesse. Manger chez Henri, c’était manger les petits plats dans les grands. Le moindre détail y était soigné. C’est ce que j’appelle un art de vivre. »
Engagement associatif et reconnaissance
Malgré une carrière bien remplie, Henri Beaulac demeura très engagé dans sa communauté professionnelle. Il consacra beaucoup de temps à la Société des décorateurs, dont il fut membre du conseil durant plus de quinze ans. Respecté de ses pairs, il était reconnu pour sa fiabilité, son raffinement et son perfectionnisme.
Selon Jacques Viau :
« Malgré ses nombreuses activités professionnelles, Henri consacra beaucoup de son temps à la Société, en étant membre du conseil durant une quinzaine d’années. Il a toujours été un homme affable, raffiné, très soucieux de perfection. Mes hommages, Henri, la Société te doit beaucoup. »
Héritage
L’héritage de Beaulac est double :
Sur le plan matériel, il a laissé des intérieurs iconiques et un mobilier raffiné qui témoignent de l’évolution du design moderne au Québec.
Sur le plan immatériel, il a marqué par son enseignement, son style personnel et son engagement associatif, contribuant à l’affirmation d’une profession de designers d’intérieur au Québec.
Aujourd’hui, ses œuvres sont conservées dans des collections muséales, notamment au Musée des beaux-arts de Montréal, et ses archives sont déposées au Musée des métiers d’art du Québec (MuMAQ), assurant la transmission de son apport aux générations futures.
« Mes hommages, Henri, la Société te doit beaucoup. » Jacques Viau, 1985
Recherche et rédaction : Marie-Claude Parenteau-Lebeuf